Récemment, Thomas Wagner, alias Bon Pote, s’est rendu dans les îles Lofoten, en Norvège, afin de voir les aurores boréales, aux côtés de Victoire Satto et Charlotte Lemay (moi aussi, à la base, je ne savais pas du tout qui sont ces personnes).
Bon Pote a fait ça parce qu’il a du pognon et parce qu’il n’est pas malin. Son idée c’était, en gros, de faire la promotion du tourisme ferroviaire. Les entreprises ferroviaires le remercient. Un lobbyiste gratos, elles ne disent pas non.
Pour Wagner, le train, ça émet beaucoup moins de gaz à effet de serre que l’avion, donc faire le touriste en train, c’est super écolo ! C’est vachement cool ! C’est moins nocif, c’est moins destructeur, donc c’est bien ! Le degré zéro, voire les sous-sols, de la conscience écologique. Pour paraphraser Hannah Arendt, on rappellera qu’écologiquement, « la faiblesse de l'argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu'ils ont choisi le mal ». Ce n’est pas parce que c’est moins pire que c’est bien.
L’industrie ferroviaire a un impact destructeur sur les milieux naturels. Que faut-il pour construire les voies ferrées, les wagons, les locomotives, etc. ? Quels matériaux ? En provenance d’où ? En quelles quantités ? Et l’énergie nécessaire à tout ça, d’où vient-elle ? Et l’installation et la maintenance des voies ferrées, quels impacts ? Je ne saurais pas répondre à ces questions précisément. Thomas Wagner et ses amies non plus, sans doute. Mais je sais que forcément, toute la production et la maintenance des infrastructures matérielles ferroviaires ont des impacts délétères sur l’environnement. Et je sais que moins d’impact ne veut pas dire pas d’impact. Sachant qu’il y a ensuite les effets indirects.
Pour avoir étudié le sujet à l’université, avoir beaucoup lu dessus et l’avoir constaté de mes propres yeux à de trop nombreuses reprises, je sais que l’industrie du tourisme est l’une des plus nuisibles au monde, notamment parce qu’elle repose sur une myriade d’autres industries dont elle stimule la croissance. Beaucoup de livres le dénoncent. On pourrait entre autres conseiller Désastres touristiques : Effets politiques, sociaux et environnementaux d’une industrie dévorante d’Henri Mora (L’Échappée, 2022), Tourisme, arme de destruction massive de Jean-Paul Loubes (Sextant, 2015) ou encore L’Usure du monde : Critique de la déraison touristique de Rodolphe Christin (L’Échappée, 2014).
Alors comment un influenceur écolo peut-il faire la promotion du tourisme ?
Son épopée touristique aux îles Lofoten, Thomas Wagner l’a mise en avant sur les réseaux sociaux et l’a exposée dans un article publié sur son site. Il s’est ensuite félicité d’avoir donné des envies de tourisme à des gens : « Merci pour vos retours sur l’article, si des personnes ont envie de voyager et/ou de voyager autrement qu’en avion depuis, c’est la meilleure des nouvelles 🙏❤️ »
Quelle incroyable nouille.
Mais il y a plus. Charlotte Lemay, une des deux personnes avec lesquelles il s’est rendu aux îles Lofoten, est apparemment « une icône de la mode durable, mais également une source d’inspiration pour ses 169 000 abonnés sur Instagram ». Preuve de ses engagements, depuis 2017, « c'est l'une des porte-paroles de No More Plastic, un collectif qui lutte contre la pollution plastique ».
« La Fondation No More Plastic est une organisation vivante à but non lucratif en “mode start-up”. Notre mission est d'agir pour prévenir la pollution plastique et microplastique, qui est devenue un problème de santé publique. Nous visons à sensibiliser le public et les décideurs politiques aux effets de la surconsommation et de la surproduction de plastique. Nous travaillons à la mise en œuvre de mesures visant à combattre le fléau de la pollution plastique et à promouvoir des solutions alternatives durables. »
Et qui sont les partenaires financeurs de cette courageuse fondation ? Diverses entreprises, comme la joaillerie Annoushka, le constructeur de voitures Volvo ou encore le conglomérat français Kering, « numéro deux mondial de l'industrie du luxe après LVMH ». De terribles pollueurs et destructeurs du monde, qui donnent quelques miettes d'argent à des organisations naïves qui tentent d'écoper le navire, tandis que leurs financeurs s'acharnent à percer la coque. Le combat contre la pollution de ces organisations financées par les pollueurs est voué à l'échec le plus total.
Charlotte Lemay était aussi présente au « cocktail Rolex » organisé à la Suite Girafe à Paris le 29 juin 2022, un évènement lors duquel la prestigieuse marque de luxe Rolex avait réuni « célébrités et amis sur une terrasse adjacente à la tour Eiffel pour présenter ses dernières créations ».
Tous ces gens n’ont rien à voir avec le mouvement écologiste.
Ce sont des bourgeois opportunistes, qui font la promotion d’un pseudo- et impossible verdissement du capitalisme industriel.
Le tourisme est une catastrophe, en avion comme en train. Pour un même déplacement, prendre le train vaut mieux que prendre l’avion, oui, évidemment. C’est tout. Le train n’est pas une super industrie à encourager. C’est une industrie destructrice, comme toutes les industries qui composent la civilisation industrielle, qui ne sera jamais écologique, qui ne peut pas être rendue écologique, comme toutes les industries qui composent la civilisation industrielle, et que nous devrions plutôt chercher à démanteler, comme toutes les industries qui composent la civilisation industrielle.
Merci pour ce rappel.
Nonobstant son article "t'es écolo mais t'as un iPhone" est le seul du type, lisible (par le plus grand nombre), sur lequel s'appuyer.